par
Antoine Ancelet-Schwartz
Doctorant en science politique
Episode DémocratieS
De nouveaux espoirs
2025. C’est une période de sidération.
Partout sur la planète, illibéralisme et néofascisme remportent des batailles importantes,
souvent en ne faisant qu’utiliser les instruments de la démocratie représentative.
Mais de nouvelles coalitions démocratiques, ces formes d’entraides renouvelées, réponses des dominé-es aux formes d’oppressions, aussi bien dans les tours que dans les bourgs, débordant les partis, les collectivités et la recherche académique, emportent de nouveaux espoirs.
Et il est grand temps que cela nous autorise à agir.
Parmi nos instruments, la culture pop.
Y compris :
*********** STAR WARS ! ***********
Voici l’histoire de Star Wars comme on ne vous l’a probablement encore jamais racontée !
Episode 1 : Darth Sidious – autrement dit Palpatine – le grand méchant de la saga, alors pas encore maître de la galaxie très lointaine, rassure ses alliés, inquiets de ce que le Sénat galactique pourrait contrecarrer leurs plans : « Je les noierai sous des querelles de procédure ». Ou quand le blocus de la planète Naboo est lancé par la (cupide) Fédération du commerce et que ses dirigeants craignent que l’illégalité de la démarche ne déclenche des hostilités auxquelles ils ne sauraient faire face : « Je rendrai cela légal » en manipulant le Sénat galactique.
Episode 2 : Palpatine, désormais chancelier suprême, utilise le déclenchement de la guerre civile dans la galaxie pour obtenir du Sénat galactique des pouvoirs spéciaux. Première mesure : la militarisation effrénée de la République galactique.
La stratégie du choc, Naomi Klein la dénonce depuis vingt ans sur notre planète, mais elle était déjà très utilisée il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine.
Episode 3 : Maître dans l’art – pas nécessairement subtil – du travestissement du réel au profit de vérités alternatives, Palpatine réussit à faire passer le Conseil des sages de la République, gardiens des institutions républicaines, autrement dit les Jedi, pour les principaux ennemis de la démocratie. Il transforme la République en Empire, au nom de la continuité et de la sécurité. « Ainsi meurt la liberté, sous des tonnerres d’applaudissements », commente la sénatrice Padmé. Palpatine manipule également son nouvel exécutant, Anakin, nourrissant la frustration de ce dernier face aux limites de la démocratie et de ses collègues Jedi en temps de crise.
Pour paraphraser Camus, une institution démocratique, c’est comme un homme, ça s’empêche. Cette frustration de la limitation du pouvoir est un élément central dans la transformation d’Anakin Skywalker en Dark Vador.
Episode 4 : Palpatine, vingt ans plus tard et après avoir fini de le dévitaliser, supprime le Sénat galactique. Les institutions démocratiques, même fantomatiques, maintiennent au moins le souvenir de la possibilité d’un contre-balancement des pouvoirs institutionnels. Leur suppression signe la tentative de l’autocratie d’annihiler y compris ce souvenir.
Episode 5 : L’Empire galactique est aux prises avec une rébellion, dont on ne distingue pas encore ne serait-ce que les prémisses d’une institution démocratique formelle. Ce sont les manifestations des structures de pouvoir qui révèlent l’absence de cette démocratie institutionnelle, mais aussi les voies et moyens de son renouveau. Et c’est la dualité entre la verticalité arbitraire de l’Empire qui rend patente la force de la démocratie, lorsque les objectifs poursuivis sont la paix et la justice. L’Empire, ce sont les exécutions sommaires de Dark Vador, les armées bien en rang dont les individus sont représentés comme des pions, jusqu’à la sinistre musique de marche impériale dont la simple évocation vous la mettra en tête jusqu’à la fin de la journée. La rébellion, elle, est collégiale, des disputes entre personnages principaux jusqu’aux désordres de la défense de la planète Hoth, en passant par la confiance de principe en l’hospitalité du gouvernement de la planète Bespin.
Episode 6 : C’est dans ce dernier épisode avant l’ère Disney de Star Wars que l’arc narratif démocratique de la saga est résolu. D’abord par la scène dans laquelle le Conseil de la rébellion délibère au sujet des actions à mener pour abattre l’Empire. Ensuite, ce conseil est présidé par l’ancienne sénatrice Mon Mothma qui avait dénoncé les crimes de l’empereur avant de démissionner et de rejoindre les rebelles. Enfin, au moyen de scènes de liesse sur diverses planètes de la galaxie, au moment où les populations apprennent la victoire de la rébellion, avec un protagoniste qui s’écrie « Nous sommes libres ! ».
George Lucas, créateur de cet univers, est un milliardaire étasunien blanc qui a revendu sa création à Disney, une entreprise dont les sympathies pour la démocratie sont historiquement faibles. Mais c’est l’appropriation possible d’une œuvre pop par son public qui est intéressante ici, parce que nos imaginaires sont habités par nos représentations et sont une des sources de nos idées. Or, nos imaginaires sont alimentés par ces fictions dont nous faisons l’expérience commune, en tant que publics qui les fréquentons, qui en discutons et qui en rêvons.
Alors, continuons de cultiver nos imaginaires démocratiques ! Les histoires que l’on nous raconte nous en fournissent abondamment les graines, terreaux, eaux… et soleil(s), que ceux-ci soient de notre galaxie ou d’autres. Que la Force de la démocratie soit avec nous !