Les Français réclament transparence et diversité 

par

Valérie Urman

Journaliste, consultante Ingénierie et évaluation de la participation citoyenne

Les récentes études décrivent les Français avides d’information et néanmoins méfiants. Submergés par la surabondance, ils veulent la transparence des sources, une variété de traitements et des sujets en phase avec leurs préoccupations.

Neuf français sur dix s’informent tous les jours. Ils entretiennent une relation étroite mais complexe avec l’information, tissée à la fois d’intérêt, de méfiance, et d’une « fatigue » symptomatique de la surabondance des contenus. Tout le monde ou presque (94%) s’intéresse à l’actualité, une majorité s’estimant plutôt bien informée. Cette dynamique reste forte en 2024 : on s’informe autant voire plus qu’avant[1]. Le numérique a, d’évidence, transformé les habitudes, mais les médias traditionnels conservent leur leadership, télévision et radio en tête.

Source : ARCOM, Les Français et l’information. Mars 2024.

Les Français le soulignent, ils vivent dans une période de sur-information (82 %). Ce phénomène de surcharge ne comble pas leur frustration : 68 % des sondés estiment que les médias ne parlent pas suffisamment de leurs préoccupations[2]. Leur critique porte aussi sur la nature généralement anxiogène des sujets ; ils s’agacent d’un traitement moutonnier de l’actualité, avec le sentiment de retrouver le même narratif partout. Le tout déclenche des réflexes d’éloignement : 61 % des Français intéressés par les sujets politiques et d’information générale évitent – parfois ou souvent – l’information en changeant de chaine de télé, de station de radio, ou en suspendant les notifications des applis. Il s’agit le plus souvent des personnes qui s’informent sur les réseaux sociaux (25 %), des jeunes (22 % chez les moins de 35 ans), des catégories socio-professionnelles supérieures (19 %). Très peu de gens se coupent totalement de l’information, c’est plutôt le cas parmi les moins éduqués, les précaires ou les plus jeunes. 

À bien des égards, la crise sanitaire a servi d’électrochoc. La méfiance à l’égard des médias s’affirme dans une période alors marquée par l’insatisfaction générale vis-à-vis de la couverture médiatique et par la soudaine visibilité de théories complotistes et de pseudo-experts. La défiance apparait la plus manifeste chez les plus de 65 ans (60 %) et les sympathisants de droite (70 %), repère l’IFOP dans un sondage publié à l’issue du troisième confinement, au printemps 2021[3]. A ce moment-là, plus des deux-tiers des personnes interrogées doutent de la fiabilité des informations livrées par les médias traditionnels. Dans le même temps, une écrasante majorité (89 %) se plaint de voir toujours les mêmes informations ; les personnes interrogées estiment que les médias traditionnels ne sont pas assez diversifiés et réclament plus de transparence sur les sources des journalistes.

La structure même du système médiatique est interrogée, caractérisée par le contrôle économique des titres par un petit nombre de fortunes ou groupes privés. C’est l’argument de beaucoup de médias alternatifs, qui mettent en avant leur financement indépendant et l’absence de publicité[4].

Toutes ces tensions demeurent vivaces aujourd’hui. La quête de diversification s’affirme dans les études récentes. Les Français consultent davantage de sources, en moyenne une dizaine de supports différents ; les moins de 25 ans intègrent le plus les médias digitaux dans leurs préférences.

Source : ARCOM, Les Français et l’information. Mars 2024.

La vidéo est perçue – à tort ou à raison – comme le miroir d’une vérité brute, sans filtre. Des médias en ligne en ont fait leur marque (Brut, Blast, Le Média, Thinkerview, Konbini…) Les sondés, lorsqu’ils se tournent vers YouTube et Facebook, disent y trouver des informations qu’ils ne voient pas ailleurs, des formats attractifs, un ton. Les réseaux sociaux sont perçus comme des espaces réactifs où l’information permet de se connecter au monde extérieur et de se relier aux gens, avec une fonction sociale d’autant plus explicite que l’on s’y exprime librement et que l’on peut y discuter l’information proposée par d’autres.

Source Arcom : les Français et l’information, mars 2024

Pas dupes pour autant, les Français sont conscients des risques de désinformation et de manipulation associés aux contenus poussés par des algorithmes. Sans toujours savoir s’en protéger. En définitive, une courte majorité de Français estime avoir facilement accès à des informations fiables, tandis que 43 % juge difficile de trouver des contenus auxquels ils font confiance. Leur premier critère de fiabilité est la possibilité d’identifier la source d’information.

Source Arcom : les Français et l’information, mars 2024

Au total, ils estiment que la fiabilité de l’information s’est dégradée ces dernières années ; seuls 24 % pensent qu’elle s’est améliorée. La lutte contre la désinformation arrive en tête des préoccupations. Mais les initiatives existantes – services de fact checking constitués dans les grandes rédactions, initiatives citoyennes de vérification sur internet, applis d’évaluation des sources d’information – ne sont pas réellement perçues.